On dit que les épreuves nous font grandir. Je pense que je vais être très grande ?! Ça fait maintenant 6 mois que je suis hospitalisée, mais je sens que ça tire à la fin. On m’a permis de passer quelques weekends à la maison. C’est très étrange revenir après une absence aussi longue.
Dans le dernier mois, j’ai vu l’orthopédiste. Il m’a fait une infiltration dans la hanche afin de valider son hypothèse que je vais avoir besoin d’une autre intervention chirurgicale. Enfin, la douleur est contrôlée ?! Je peux davantage me consacrer à ma réadaptation physique. J’arrive maintenant à dormir sans être réveillé par la douleur. Je vais revoir le chirurgien cette semaine. C’est là que je vais savoir si je vais être opérée à nouveau, quand cela pourrait avoir lieu et si je vais pouvoir retourner à la maison pour poursuivre ma convalescence et ma réadaptation en externe.
Hier, j’ai reçu une lettre du gouvernement qui m’avisait que je suis dorénavant déclaré handicapée. Ça m’a fait tout un choc ! Pour me consoler, j’ai aussi reçu ma vignette me donnant le droit de stationner dans les emplacements réservés ♿. Avec nos hivers québécois, j’avoue que je vais être heureuse de ne pas avoir à affronter la neige en fauteuil roulant sur de longues distances.
Pourquoi m’a-t-on octroyé le statut de handicapé ? Oui, il y a les fractures multiples et complexes, mais il y a plus. Les dommages à mon cerveau causés par le traumatisme crânien sont très présents. Je n’ai pas beaucoup d’équilibre, je suis étourdie en permanence et j’ai de la difficulté avec la sémantique des mots. Il y a de nombreux mots dont j’ai oublié la signification, qui ne me disent plus rien. À titre d’exemple, l’orthophoniste m’a fait écouter un film et me posait des questions afin de vérifier si je suivais bien. L’avocat dans le film mentionnait qu’ils allaient mettre les drapeaux en berne. Je n’avais aucune idée de ce que c’était un drapeau. Elle a dû me montrer une image afin que je puisse comprendre. C’est un peu comme si je ne maitrisais plus la langue française.
Et si seulement, il n’y avait que ça ! Je souffre maintenant de prosopagnosie qui est un syndrome neurologique qui cause un trouble affectant la reconnaissance de l’identité des visages. Je vais devoir vivre avec ce problème le restant de mes jours. Concrètement, si une infirmière vient dans ma chambre pour faire un soin et qu’elle revient quelques minutes plus tard, je suis incapable de savoir si c’est la même personne. Depuis l’accident, j’ai l’impression qu’il y a que des inconnus autour de moi. Je ne reconnais pas les gens, même les personnes près de moi, ma famille ou mes amis. C’est très déstabilisant. Je me demande vraiment comment je vais pouvoir vivre avec ce problème lorsque je serai de retour dans la vraie vie. Je crains tellement de blesser les gens en ne les reconnaissant pas. J’espère que vous serez indulgents avec moi.
L’insécurité de ne pas savoir si je vais pouvoir retrouver mes capacités physiques et cognitives me ronge énormément. L’année 2023 risque fort de ressembler à 2022, du moins les premiers mois. Je vais devoir poursuivre la réadaptation à temps plein, la prise de médicaments, les rendez-vous, qu’il y ait une autre opération ou pas. Comme on dit au Québec, je ne suis pas sortie du bois !
Je vous laisse sur une photo de mon bureau d’où je réussis à travailler 1 heure par jour. Ma capacité de concentration et mon énergie cognitive ne me permettant pas d’en faire plus pour l’instant.
Vous êtes plusieurs à m’écrire et ça me fait vraiment plaisir de voir que l’on ne m’oublie pas. Merci tellement ! ?